Le crâne du manoir de Bettiscombe

Le folklore des crânes familiaux est rempli d'histoires bizarres. La plus connue est celle du crâne du manoir de Bettiscombe, qui fut enterré à trois mètres de profondeur par un propriétaire désireux de s'en débarrasser ;celui-ci fut stupéfait de le retrouver le lendemain à la surface du sol, semblant attendre là qu'on le ramène à la maison.
Le cas du crâne de Bettiscombe est un exemple type des incertitudes qui planent sur les légendes de fantômes, et sur leurs variantes. Il existe une version selon laquelle ce crâne est celui d'un esclave noir amené là au XVIIIé siècle. En 1685, le propriétaire du manoir, Azariah Pinney, avait été exilé pour raisons politiques et envoyé aux Antilles. Les Pinney s'y enrichirent et John Freferick, petit-fils d'Azariah, revint un jour à Bettiscombe avec un esclave noir comme domestique. Il semble que Pinney ait bien traité son esclave et que, lorsque celui-ci demanda que son corps soit ramené après sa mort sur sa terre natale, le maître le lui ait promis.
L'esclave mourut, mais Pinney ne tint pas sa promesse ; il fit enterrer l'homme dans le cimetière du village, non loin du manoir. Au cours des semaines suivantes, ni Pinney ni sa famille ne purent dormir en raison des gémissements, des cris et des coups frappés dans la nuit. Finalement, le maître fit déterrer le cadavre pour le ramener dans le grenier du manoir, et les manifestations bruyantes cessèrent.
Le corps demeura dans le grenier plusieurs années jusqu'au moment ou - personne ne sait quand ni comment - il disparut ; sauf le crâne qui demeura là, avec une mâchoire en moins, et qui depuis lors est resté presque constamment au manoir. En 1847, la relique fut montrée à un visiteur par le propriétaire qui lui dit : " Tant que ce crâne sera ici, aucun fantôme ne viendra nous ennuyer." C'est la première mention connue de ses qualités surnaturelles.
Au milieu des années 1960-1970, enquêtant sur l'histoire de Bettiscombe, Maple s'aperçut que les gens du cru avaient quantité de choses à raconter sur ce crâne. Il apprit qu'on l'avait enlevé de la maison à plusieurs reprises, ce qui occasionnait chaque fois des catastrophes : des orages qui détruisaient les récoltes avant la moisson, ou la mort de tout le bétail ou d'autres animaux. Il lui fut même affirmé que plusieurs propriétaires de Bettiscombe, qui en avaient retiré le crâne, étaient mort dans l'année.

Un homme s'est rappelé que, dans sa jeunesse, il avait entendu le crâne "crier comme un rat pris au piège" dans le grenier - ce qui contredit la légende disant qu'il crie seulement si on le sort de la maison. D'autres ont parlé de bruits particuliers venant du grenier, comme si "ils" jouaient aux quilles avec le crâne. Qui étaient exactement ces "ils" cela était laissé dans l'ombre.
Deux cents ans après la mort de l'esclave noir, les villageois en gardaient le souvenir. Ils parlaient d'un homme noir qui criait, "enfermé dans une chambre secrète, et nourri à travers des barreaux". Pourtant, d'après d'autres versions, John Pinney traitait son esclave avec bonté. Qui peut savoir ou est la vérité ? D'après une légende entièrement différente, le crâne est celui d'une jeune fille blanche qui, "il y a longtemps de cela" - phrase favorite des conteurs -, avait été gardée prisonnière dans la maison puis assassinée.
Il est probable qu'aucune de ces histoires n'est vraie, car lorsque le crâne a été examiné par le professeur Gilbert Causey du Collège Royal des Mèdecins, celui-ci l'a déclaré beaucoup plus ancien que l'on ne le pensait. C'était, d'après lui, le crâne d'une femme préhistorique.
Michael Pinney, propriétaire actuel du manoir de Bettiscombe, croit qu'il s'agit d'un vestige provenant d'un sacrifice humain, le corps de la victime aurait été enseveli dans les fondations d'une première maison construite à cet emplacement, pour rendre les lieux propices et attirer la bonne fortune. L'histoire récente de l'homme noir se serait greffée sur celle de ce sacrifice.

Bien que Pinney et sa femme disent qu'ils considèrent leur étrange bijou de famille comme un simple sujet de conversation, ils se refusent à le laisser sortir de la maison. Ils furent tous deux assez surpris quand un visiteur, qui avait habité chez eux pendant la dernière guerre, et qui connaissait apparamment l'histoire du crâne, leur demanda : "A-t-il saigné en 1939 comme il l'a fait en 1914 ?"
Africaine ou caucasienne, porte-bonheur ou porte-malheur, cette dépouille jaunie continue à frapper l'imagination des paysans du voisinage. S'il est exact qu'elle est le vestige d'un sacrifice vieux de 2000 ans, le fait qu'elle continue à hanter l'esprit des gens n'est pas moins remarquable que ne l'est la fée de la mort, cette "figure symbolique...gravée dans notre conscience de race".