La malédiction de Toutankhamon

Premier article :
En 1905, dans la Vallée des Rois, Theodore Davis, riche américain plus attiré par l'argent que par la valeur historique de ses découvertes, découvre la tombe d'Horemheb ainsi qu'un récipient portant le nom de Toutankhamon. Après quelques années, Davis déclare qu'il n'y a plus rien à découvrir dans la vallée et abandonne sa concession. Pour l'archéologue Howard Carter (ci-dessous à gauche) , ancien associé de Davis, il reste une tombe royale qui n'a pas été trouvée, celle de Toutankhamon. En juin 1914, son mécène Lord Carnarvon (ci-dessous à droite) , un noble anglais richissime et passionné par l'antiquité égyptienne, lui obtient un permis de fouilles mais la première guerre mondiale éclate. En 1917, les recherches peuvent vraiment commencer. Pour Carter, il est clair que le seul endroit encore susceptible de cacher quelque chose c'est vers les cabanes des ouvriers de la tombe de Ramses VII. ll délimite alors un triangle formé par les tombes de Ramses VI, Ramses II et Merenptah. Personne n'avait encore creusé ici. Une fois les premières couches déblayées, ils se trouvent juste en dessous de la tombe de Ramses VI et de nouvelles cabanes apparaissent. Mais s'ils continuent à creuser là, les débris boucheraient l'entrée de la tombe, ils ne peuvent pas se le permettre car c'est le roi le plus célèbre découvert jusqu'à ce jour et les touristes affluent pour voir sa sépulture. À part quelques jarres (preuves que personne n'avait creusé ce terrain) le résultat est décevant. Vers 1919, ils délaissent la vallée et fouillent un peu plus loin pendant quelque temps, sans résultat non plus. Pourtant Carter ne veut pas abandonner.

En 1922, les maigres découvertes n'ayant pas contribué à alléger les dépenses que doit supporter Lord Carnarvon, celui annonce son intention d'arrêter. Pendant l'été, Carter lui propose alors de financer lui-même les fouilles mais en étant toujours sous la concession du comte. Impressionné par sa volonté et sa conviction, Carnarvon accepte de lui accorder une dernière saison. Mais il insiste pour continuer à la financer, sachant que les richesses de Carter ne sont pas énormes. Avant la reprise des fouilles, Carter achete un canari dans une cage dorée, pensant que son chant l'égaierait dans sa maison solitaire. Lorsqu'il vit l'oiseau, un de ses serviteurs s'exclame : C'est un oiseau d'or qui nous portera chance. Cette année, inshallah (si Dieu le veut), nous allons trouver une tombe remplie d'or. Dans la semaine qui suit l'achat du canari, Carter découvrera le tombeau de Toutankhamon... Ne se préoccupant plus de l'accès à la tombe de Ramses, les ouvriers mettent à jour une marche creusée dans la roche ; juste en-dessous de celles de Ramses. Le 5 novembre 1922, douze marches sont dégagées s'enfoncant dans le sol et conduisent à une porte murée. Sur la partie dégagée de la porte se trouve le sceau de la Nécropole royale, Anubis, preuve que cette tombe est destinée à un noble. Il trouve ensuite le sceau de Toutankhamon (ci-joint).

Cette fois c'est sûre, il a retrouvé la tombe de l'enfant-roi. Mais le doute revient vite. En effet, devant la porte se trouve également des débris portant les noms de Thoutmosis III, Amenhotep III et des scarabées avec ceux d'Akhénaton et de Semenkhkarê. Alors ce n'est peut-être pas une tombe, mais plutôt une simple cachette où on a déposé quelques objets. Carter écrit : Sans aucun doute, la tombe présentait tous les aspects propres à la XVIIIe dynastie. Etait-ce celle d'un aristocrate enterré là par autorisation royale ? Ou plutôt une cache royale, abritant pour des raisons de sécurité une momie et son mobilier ? A moins que ce ne fût la tombe du roi à qui j'avais consacré tant d'année de recherche ? Pour en être sûre, il faudrait ouvrir la porte. Comme c'est Carnarvon, retourné pour quelque temps en Angleterre, qui paie les fouilles, Carter lui envoit immédiatement un télégramme : Avons fait une découverte extraordinaire dans la Vallée. Une tombe somptueuse avec des sceaux intacts. L'avons rebouchée jusqu'à votre arrivée. Félicitations. Mais la mort du canari à cet heureux moment est considérée comme un mauvais présage. Voici le récit de ce qui est arrivé au canari, tiré du rapport de l'inspecteur général en charge des antiquités : Au cours des récentes fouilles qui ont permis de découvrir la tombe de Toutankhamon, M. Howard Carter (celui qui l'a découverte) avait dans sa maison un canari qui le régalait tous les jours de son chant joyeux. Un jour, toutefois, celui où on a mis au jour l'entrée de la tombe, un cobra est entré dans la maison, s'est jeté sur l'oiseau et l'a avalé. Or, les cobras sont rares en Égypte et on en voit peu en hiver; mais dans les temps anciens, ils étaient considérés comme le symbole de la royauté, et chaque pharaon portait ce symbole sur son front, comme pour signifier son pouvoir de frapper et de piquer ses ennemis. À son arrivée, le 24 novembre, la galerie menant à l'entrée de la tombe est déblayée. Alors que Carter et Carnarvon se préparent à ouvrir la première porte, un contremaître les met en garde : ils mourront comme l'oiseau, s'ils violent dans le repos de Toutankhamon. Les archéologues ne tiennent aucun compte de l'avertissement.

Elle débouche sur un corridor incliné puis sur une nouvelle porte, dans laquelle Carter y fait une petite ouverture et vérifie si le gaz chaud qui s'en échappe est dangereux à l'aide d'une bougie. La flamme vacille. Il met un moment à réaliser ce qu'il a devant les yeux. Et quand Carnarvon lui demande s'il voit quelque chose, il répond : Oui, des merveilles ! La tombe se compose d'une antichambre où sont trouvés bon nombre des objets domestiques devant accompagner Toutankhamon dans son voyage vers l'éternité. À côté de cette pièce se trouve une annexe, et tout au fond une ouverture qui donne accès à la chambre funéraire. Cette chambre est gardée par deux statues sentinelles noires représentant le ka.

Elle y contient le sarcophage de Toutankhamon ainsi que son cercueil. Sur les murs sont peintes des scènes représentant Toutankhamon dans l'au-delà. À côté de la chambre funéraire se trouve la chambre du trésor, où Carter découvre une magnifique châsse canope recouverte d'or (ci-dessous).

C'est l'objet le plus impressionnant du trésor. Il a décrit ce qu'il a vu lorsqu'il a regardé pour la première fois dans le Trésor : Face à la porte, du côté opposé, se trouvait le plus beau monument que j'ai jamais vu - sa beauté était telle que j'en étais muet d'étonnement et d'admiration. La partie centrale était constituée par un grand coffre en forme de châsse complètement recouvert d'or et surmonté d'une corniche de cobras sacrés. Autour se tenaient des statues en ronde-bosse des quatre déesses tutélaires des morts - gracieuses figures aux bras protecteurs étendus, dans une attitude si naturelle et si vivante, avec une expression de pitié et de compassion si vraie sur leur visage qu'on avait l'impression de commettre un sacrilège en les regardant. À partir de ce moment, Carter passa dix ans à inventorier et à restaurer plus de 3000 objets précieux placés dans la tombe Toutankhamon. Cinq mois après la découverte, Lord Carnarvon meurt le 5 avril 1923 suite à un empoisonnement du sang provoqué par une piqûre de moustique. À l'heure de son décès, à deux heures du matin, se produit au Caire une panne d'électricité inexplicable. Panne produite également dans son château de Highclere, en Angleterre, son chien a même poussé un dernier hurlement avant de mourir lui aussi à la même heure. Dans les mois suivants meurent le demi-frère du Lord, son infirmière, un médecin qui a radiographié la momie, l'égyptologue George Bénédicte attaché au Louvre meurt après avoir visité le tombeau, son homologue américain Arthur Mace connaîtra le même sort... On dénombre jusqu'à 27 morts mystérieuses. La plupart des victimes sont atteintes de maladie, la presse évoque un virus resté captif de la tombe pendant 3000 ans. Les analyses n'en révèlent pas la présence. De là naît la légende de la malédiction de la momie : Toutankhamon, mécontent d'avoir été dérangé dans son dernier sommeil, se serait vengé des profanateurs. Curieusement, le pharaon a oublié de châtier le pincipal responsable, Carter en personne !

Visage de Toutankhamon reconstituer
Deuxiéme article :
L'Unesco, on le sait, s'est préoccupée de sauver les inestimables monuments égyptiens que menace l'inondation artificielle du Nil, causée par l'édification du prochain barrage dont le colonel Nasser a fait l'une des bases de sa politique. A cette occasion, on se pose de nouveau l'étrange et hallucinante question de la malédiction des Pharaons. Pour l'Histoire pour Taus, Lucien Barnier fait le point du problème.
Otto Neubert, l'archéologue allemand, est-il un condamné à mort en sursis? Otto Neubert était de ce groupe de dix-neuf personnes qui, le vendredi 17 février 1923, assistèrent à l'ouverture du tombeau de Tout-AnkHamon. Une seule d'entre ces dix-neuf personnes est décédée de mort naturelle. Dix-sept autres ont disparu dans des conditions mystérieuses. Otto Neubert survit encore, mais il est parfois obsédé par l'avertissement gravé au fronton de la sépulture royale : « La mort touchera de ses ailes celui qui dérangera le Pharaon ».
Otto Neubert sera-t-il la dernière victime d'une malédiction qui aurait déjà frappé dix-sept de ses compagnons par-delà trente-trois siècles ?
Nous sommes le 24 novembre 1922. Il fait encore nuit sur le Nil, dans la Vallée des Rois, à 740 kilomètres en amont du Caire. En ces lieux, les Egyptiens de l'Antiquité avaient édifié leur cité des Morts. Ici retentirent les hymnes sacrés des prêtres ; et c'est, ce soir du 24 novembre 1922, le silence qui pèse, un silence traversé parfois des hululements de la chouette et des jappements du chacal.
Dans ce décor étrange de tombeaux, cerné de montagnes et de gorges, une baraque en planches abrite trois personnes qui attendent impatiemment le lever du jour : Lord Carnarvon, riche industriel britannique, qui finance une expédition archéologique, Lady Evelyn, fille de lord Carnarvon, et un jeune égyptologue déjà réputé : Howard Carter. Dans cette barque se déroule une dramatique conversation. C'est lord Carnarvon qui, tourné vers Carter, lui demande
- Très franchement, Carter, croyez-vous que nous ayons raison de nous obstiner? De plus en plus, j'ai le sentiment que nos efforts sont parfaitement inutiles. Voilà cinq années que nous vivons comme des parias dans ce désert de déblais et de tombes... Je crois que nous ferions mieux...
Carter coupe sèchement lord Carnarvon
- Nous ferions mieux d'abandonner ?... Sûrement pas, lord Carnarvon. La victoire est proche et j'ai la certitude que les marches d'escalier que nous venons de découvrir nous conduiront vraisemblablement auprès de Tout-Ank-Hamon.

Alors Carnarvon, le visage ravagé par tant d'efforts et tant d'incertitudes, se tourne vers Carter
- Mais à quel prix, Carter, remporterons-nous la victoire ? J'étouffe à l'intérieur des tombes ; la poussière des catacombes me brûle les yeux. L'odeur des momies m'est devenue intolérable... Et puis qui sait... ? Si nous n'avions pas le droit de violer ces retraites de la mort ?
C'est désormais un climat de crainte qui règne sur le chantier où Carter précipite fébrilement le rythme des travaux. Un matin, vers onze heures, Carter crie aux ouvriers
- Enlevez les cailloux qui bloquent la seconde porte... Lord Carnarvon, voici le grand moment, voulez-vous me passer la barre de fer, afin que j'agrandisse l'ouverture.
Dix-huit personnes guettent fébrilement l'événement qui va surgir par-delà les millénaires. Carter est nerveux. Sa main tremblante tient une bougie. De l'air s'échappe par l'ouverture et fait vaciller la flamme.

Dramatique confrontation
Lord Carnarvon est impatient et il interroge d'un ton sec
- Que distinguez-vous ?
Carter lui répond comme s'il vivait en un rêve
- Je ne vois rien encore..., si, les contours ; et maintenant des ombres... puis des couleurs... enfin, des choses étonnantes, des têtes d'animaux qui se découpent en ombres grimaçantes sur les murs de pierre.
Carter ne peut plus parler ; il a devant lui un spectacle hallucinant : deux statues se fixent face à face, vêtues de pagnes et chaussées de sandales d'or ; sur leur front, brille le serpent sacré. Immobile, Carter contemple le mur qui a été édifié entre les deux gardiens de roc. Un combat épique déchire cet homme. L'être humain entend résonner en lui la voix de ce fellah qui, l'autre jour, en apprenant la découverte du tombeau, a dit
- Ces gens vont trouver de l'or... mais ils trouveront aussi la mort.
Carter se répète les avertissements venus de tous côtés et qui l'ont prévenu de la malédiction, lui ont parlé du sacrilège ; et le savant, l'égyptologue Carter s'insurge. Carter aborde alors son travail avec un esprit de sérieux, sans ce frisson d'horreur dont le charme mystérieux s'empare si aisément de la foule. A ce moment même, il n'écoute plus les contes à dormir debout ; il essaie de se persuader que le rituel funéraire des Egyptiens ne comportait aucune malédiction pour les vivants.
L'obsession du sacrilège
Et puis, le sort en est jeté. Le vendredi 17 février 1923, dix-neuf personnes sont rassemblées devant une porte qui est scellée. Les projecteurs électriques éclaboussent de lumière ces cubes de pierre qui, voilà trois mille ans, furent empilés en une sorte de prière funèbre. Carter enlève lentement une première épaisseur de pierres. Son disciple Callender avance un projecteur. Carter a devant les yeux un mur éclatant qui bouche toute l'entrée. C'est une muraille d'or massif qui apparaît. Lord Carnarvon et Lacau entrent immédiatement à la suite de Carter. Ils voient le linceul de lin dont les pans retombent sur le sarcophage. Humbles, bouleversés, les voici en présence du Pharaon. Ils restent là, trois heures durant, admiratifs, éblouis, tourmentés par l'obsession du sacrilège.

Au pied du cercueuil de quartz jaune, une déesse étend les bras et les ailes en un geste protecteur, comme pour écarter les intrus.
Carter et lord Carnarvon regardent longuement cette image, et, la nuit tombée sur le camp de l'expédition, ils reconstituent le film de cette journée fantastique.
Carter est brisé de fatigue et d'émotion. Pourtant son visage s'allume parfois d'une singulière émotion. Quel extraordinaire rendez-vous I
- Lorsque je suis sorti de la tombe et que j'ai vu les dernières lueurs du jour, il m'a semblé que la vallée elle-même avait changé et qu'elle était éclairée d'une étrange lumière.
Lord Carnarvon écoute ces confidences avec une sorte de recueillèment religieux et il demande à Carter
- Qu'est-ce qui vous a le plus ému ?
- Je crois que c'est cette humble couronne de fleurs des champs desséchées. Au milieu de tant de richesses, c'était peut-être le seul petit signe humain... le dernier adieu de la jeune veuve à son époux bien aimé.
Est-ce le rappel de ce témoignage émouvant qui a soudain ébranlé les nerfs de Carnarvon, mais celui-ci se dresse et tient, cet étrange discours à Carter
- J'ai vu la mort de très près, vous le savez, Carter, mais, jamais je ne me suis rappelé, avec autant de saisissement que tout à l'heure, les moments où j'ai failli quitter le monde des vivants... Je ne peux, plus supporter cette vision de Tout-Ank-Hamon, surgissant de son linceul de lin. Carter, nous avons violé une demeure sacrée. Tout dans cette tombe nous reprochait notre audace jusqu'à ce modeste appui-nuque en fer et son inscription : « Réveille-toi de cet évanouissement dans lequel tu te trouves. Tu triompheras de tout ce qu'on t'a fait... » Que penser de tout ce que nous venons de faire, Carter

Tandis que la kermesse s'installe à l'embouchure du Nil...
Ce que viennent de faire Carter et lord Carnarvon : la découverte de Tout-Ank-Hamon, est le jour même annoncé aux carrefours de toutes les capitales. Les manchettes des journaux proclament
« Les savants ont exhumé la dépouille de Tout-Ank-Hamon. La quantité de bijoux dont le roi égyptien était couvert dépasse l'imagination. » Alors, des hommes de notre temps veulent, eux aussi, contempler le visage, doux et paisible, d'un roi qui a défié trois millénaires. Par milliers, les touristes affluent en Egypte ; de toutes parts, ils accourent pour voir, eux aussi, le royal visage du Pharaon. Tandis que les paquebots accostent à l'embouchure du Nil, dans une atmosphère de joyeuse kermesse, à trois mille kilomètres de là, dans un château de la campagne anglaise, lord Carnarvon, qui fut l'initiateur de la fabuleuse découverte, agonise sur son lit. Il délire en prononçant le nom de Tout-AnkHamon, et dans un moment de lucidité, il s'écrie
- C'est fini, j'ai entendu l'appel et je me prépare.
Au même instant, la lumière s'éteint dans toute la maison. L'infirmière, épouvantée, s'enfuit de la chambre. Lorsqu'elle revient, dix minutes plus tard, lord Carnarvon est mort. Une mystérieuse tragédie commence et avec elle commence une énigme. Six mois après la mort de lord Carnarvon, son jeune frère, le Colonel Aubrey Herbert, meurt a son tour. Très peu de temps après, l'infirmière qui avait soigné lord Carnarvon décède dans des conditions inexpliquées. Est-ce véritablement le hasard ? Ensuite s'éteint le secrétaire de Carter, Richard Bathell. Trois mois plus tard, son père le suit.

De ses ailes, la mort...
Au frontispice de la sépulture de Tout-Ank-Hamon était gravé cet avertissement : « La mort touchera de ses ailes celui qui dérangera le Pharaon ». De ses ailes, la mort a effectivement touché tous ceux qui furent présents à l'ouverture du tombeau, ce vendredi 17 février 1923. Alors une rubrique s'installe dans la presse mondiale. Elle a pour titre
« La vengeance du Pharaon». Comme un bulletin nécrologique régulier, cette rubrique tient registre des victimes sucessives : le professeur Lafleur, ami intime de Carter, le savant Arthur Mace, le docteur White. Le cas du docteur White est un des plus singuliers. Il était un collaborateur parmi les plus zélés de Carter. Il fut un des premiers à pénétrer dans la chambre mortuaire. En sortant, il ressentit un malaise et, depuis ce jour, souffrit d'une dépression nerveuse. Au grand désespoir de sa famille, quelques jours après, il se pendit. Dans une lettre d'adieu, il a écrit : « J'ai succombé à une malédiction qui m'a forcé à disparaître ».

Avant de remettre la momie de Tout-Ank-Hamon au musée du Caire, un savant, du nom de Archibald Douglas Reed, reçut l'ordre de radiographier cette momie afin de voir s'il n'y avait pas par hasard des corps étrangers à l'intérieur de la dépouille. Reed se mit à l'oeuvre. Et, dès le lendemain, il tomba malade. Cet homme de constitution robuste fut emporté en quelques jours. A la liste funeste des victimes, d'année en année, sont venus s'ajouter les noms du docteur Breastead, du savant Harkness, des professeurs Vinlock, Allan Gardiner, Foucart, ainsi que les chercheurs Jay Gould, et. Joel Woof. Les savants Astor, Bruyère, Callender, Lucas, Bathell, et bien d'autres qui, tous, avaient été mêlés à l'affaire de Tout-Ank-Hamon sont morts jeunes et certainement prématurément.
Alors, que penser ?
Arrêtons là ce chapitre d'histoire qui commence comme un conte des Mille et Une Nuits et s'achève à la manière d'un procès-verbal de greffier. La découverte du tombeau de Tout-Ank-Hamon, en présence de dix-neuf personnes, est un fait. C'est aussi un fait que dix-sept de ces personnes ont disparu dans des conditions le plus souvent étranges. Mais ces dix-sept personnes sont-elles des victimes expiatoires, qui auraient été poursuivies en quelque lieu où elles se fussent réfugiées, par l'implacable vengeance des Pharaons ?
- Nous sommes des victimes affirment dans leur dernier adieu lord Carnarvon et Evelyn White.
- Peut-être avons-nous été condamnés en franchissant l'enceinte sacrée de la sépulture royale, pense le dernier survivant, Otto Neubert.
- Non, il n'y a pas de malédiction des Pharaons. Cette légende est une forme dégénérée des histoires de fantômes. proclame Howard Carter avant de s'éteindre à l'âge de 70 ans.
De 1'éminent témoignage de Carter, se saisissent nombre de savants qui nous expliquent : il est vrai que lord Carnarvon mourut un mois et demi après l'exhumation de la momie, mais il avait été piqué par un scorpion. Quant au suicide d'Evelyn White, il faut le considérer comme le tragique dénouement dune dépression nerveuse qui avait épuisé cet homme soumis au rude travail des fouilles et de l'exploration dans des conditions particulièrement harassantes.
Nous pouvons admettre, en effet, que le moral de lord Carnarvon et du professeur Evelyn White ait été atteint ; autrement dit, ces hommes ont pu céder à l'envoûtement des récits fantastiques qui étaient racontés par les fellah pendant les veillées au camp des archéologues dans la Vallée des Rois. Mais quand bien même on admettrait cet argument, on n'expliquerait pas pour autant la mort foudroyante d'Arthur Mace, ni celle d'Archibald Douglas Reed, qui fut emporté en huit jours. Non, on n'expliquerait. pas cette stupéfiante succession de dix-sept décès. Estce à dire qu'on ne saura jamais découvrir des causes logiques, scientifiques à cette irritante énigme ?

Je ne le crois pas. Peut être les murs du tombeau royal étaient-ils enduits de poison, que l'atmosphère sèche des sépultures hermétiquement closes aurait protégé contre toute altération. C'est une explication possible. Ou bien, les savants américains d'Oak Ridge ont-ils raison de supposer que les Egyptiens auraient connu le secret atomique et qu'ils avaient disposé près de leurs morts des substances radioactives ? C'est une autre explication possible.
Enfin, dernière en date des explications scientifiques proposées, celle du docteur Geoffrey Dean de l'Hôpital de Port-Elizabeth, en Afrique du Sud. Cet homme de science croit que les dix-sept égyptologues morts mystérieusement ne doivent pas être considérés comme les victimes d'une vengeance sacrée, mais comme les victimes d'une maladie : l'histoplasmosis, qui est provoquée par un virus se développant. parmi les excréments des chauves-souris. Ce serait une explication admissible. Les salles souterraines des pyramides égyptiennes sont effectivement des repaires de chauves-souris. Mais il n'y avait aucune chauve-souris dans la sépulture de Tout-Ank-Hamon pour la raison bien simple que cette sépulture était rigoureusement murée par d'énormes cubes de pierre parfaitement ajustés. Et on en était là de cette obsédante énigme des Pharaons ; quand, le 11 mars 1959, quelqu'un aperçut un cadavre flottant sur le Nil. Le nom du mort : Zakaria Gonein. La profession de ce désespéré : archéologues. Signe distinctif : a découvert la pyramide de Sakkara, sous les sables du désert. Causes de la mort suicide.
Y a-t-il en fait une malédiction des pharaons?
C'est une énigme, non résolue.