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BLOG DU FANTASTIQUE

VIP-Blog de lestat1975

  • 651 articles publiés
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  • Créé le : 20/04/2007 11:26
    Modifié : 10/05/2008 15:56

    Garçon (32 ans)
    Origine : Quelque part entre ici et ailleurs.....
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    Le meurtre de Sharon Tate par le clan de Charles Manson

    Je m'appelle Sharon Tate. Je suis née en 1943 à Dallas et morte prématurément, assassinée par les adeptes de Charles Manson en 1969 à Los Angeles. J'étais belle. J'étais une actrice avec quelques succès à mon actif. Je pouvais espérer une reconnaissance artistique en ayant épousé un des réalisateurs les plus doués de sa génération, Roman Polanski. J'attendais un enfant de lui. J'étais jeune. J'étais heureuse.

    Tout cela ne devait jamais s'arrêter. Cela ne pouvait pas s'arrêter. Logiquement. Je vivais dans l'état d'inconscience d'un bonheur aveuglant, à l'image du soleil de la Californie à son zénith. Dans un sentiment impalpable et rassurant qui me rendait certaine que les choses s'accomplissaient selon une grâce bienveillante, dans la sensation que la vie glissait sur moi comme l'eau lorsque je plongeais dans la piscine de notre villa accrochée sur les hauteurs de Bel Air. Roman ne partageait pas cet état d'hébétude. Il était marqué par son enfance, par la barbarie des hommes, par la précarité d'une vie heureuse qui s'était échappée par les cheminées de Treblinka.


    Je me suis attachée autant que j'ai pu à dissiper ses angoisses, que ses souvenirs faisaient remonter à la surface malgré tous ses efforts pour les enfouir sous une suractivité toute américaine. A la maison, sans que je sache pourquoi, soudainement il restait prostré sur lui-même. Mais pour le sortir de là, je savais ce que je devais faire. J'accourais de l'autre bout de la maison en criant comme une demeurée. Je sautais sur lui littéralement, ce qui nous entraînait dans une chute. Alors nous faisions l'amour à même le sol, à en perdre haleine. Nous aimions beaucoup faire l'amour. C'était devenu notre drogue. Nous ne pouvions pas nous passer l'un de l'autre, si bien qu'à chaque fois que nous étions amenés à être séparés, cela nous était pénible. Ce fut d'autant plus vrai quand je l'ai accompagné à l'aéroport, quelques semaines avant ma disparition, pour un départ en Europe où il devait retravailler un scénario. Je me souviens qu'au moment de l'embarquement, il m'a retenu par les épaules en me scrutant avec acharnement comme s'il eût cherché à retenir de moi l'image la plus fidèle. Je lui souriais avec douceur pour le rassurer : « Ne te fais pas de soucis. Tout se passera bien. Je t'aime. » Il m'a juste répondu un « Oui, tu as raison. » pas très convaincant. Après avoir passé la douane, il s'est retourné et n'a pas cessé de me regarder à travers la longue baie vitrée mi-opaque qui nous séparait. La dernière fois où il serait amené à me revoir, ce serait pour reconnaître mon corps frappé de seize coups de couteau. Trente cinq ans séparent cette date d'aujourd'hui. Mon enfant aurait eu trente cinq ans. Il serait peut-être père à son tour.

    Qu'avait-on de si grave à me reprocher pour que je sois condamnée à cette mort atroce ? La folie la plus incompréhensible constitue-t-elle une circonstance atténuante à cet acte indéfendable ? Indéfendable, oui. Mon crime n'est que l'un des épisodes d'une série aussi infernale que pathétique d'autres meurtres reliés entre eux par un même fil conducteur, celui de la bêtise. On peut mourir dans un accident de voiture ou d'avion, à la suite d'une déception amoureuse, d'un crime crapuleux, d'un crime passionnel ou d'une maladie mais être la victime de l'obsession apocalyptique de paumés qui trouvent leur salut dans le culte mortifère de Satan reste un mystère ! Cela aurait pu être comique si cette mascarade grotesque ne s'était pas finie en tragédie. Je crois être la plus à même, en qualité de victime, de vous raconter cette dérive mortelle dont toutes les ramifications nous ramènent à la fascination exercée par le Diable sur des esprits faibles et influençables. Vous dites ? Je suis trop morte pour parler ? Mais à Hollywood la fiction se confond avec la réalité et le rêve se transforme parfois en cauchemar. Oscar Wilde a écrit avec ce sens du paradoxe qui fut sa marque de fabrique : « Je peux croire n'importe quoi, à condition qu'il s'agisse d'une chose incroyable. ». Or cette chose invraisemblable qui m'est arrivée n'aurait été possible qu'à Los Angeles, point de gravité où échouent toutes les personnes réfractaires au réel. Cette ville est devenue le Temple du rêve sous le spectre du cinéma et de la drogue. Véritable réceptacle de ceux qui espèrent une revanche sur la vie, Hollywood distingue cependant peu d'élus par rapport au nombre d'aspirants à la Gloire. Tous les recalés sont rejetés du système et finissent par disparaître comme l'écume sur les rivages de Venice beach. Certains pourtant refusent de disparaître sans laisser de traces. Parfois ces traces sont celles du sang.

     Charles Manson a choisi cette voie ténébreuse, la carrière du Mal. Les commentaires de la presse à sensation, qui fait preuve de tact en toute circonstance, ont reproché à Roman et à moi-même d'avoir joué avec le feu. Ses lecteurs, dont la vie est si atone, ont eu beau jeu de se dire : « Dans le fond, ils l'ont bien cherché. ». Il faut bien avouer qu'on n'y est pas allé de main morte en tournant trois films qui traitaient successivement des vampires, de la sorcellerie et du satanisme.Roman et moi, nous nous sommes connus sur le tournage du « Bal des vampires ». La production m'avait imposée à Roman qui ne me connaissait pas même si j'avais été révélée par « La vallée des poupées » de Mark Robson. Film de commande de la MGM qui voulait surfer sur la vogue des films de genre, Roman a sauvé le « Bal » par un traitement humoristique.

    Or c'est cet esprit de dérision qui a été reproché à Roman par les sectes sataniques. Il faut dire que nous avons été rarement sérieux sur ce tournage au cours duquel Roman et moi, nous sommes tombés amoureux. J'ai été séduite à la fois par le personnage maladroit qu'il incarnait et par la maîtrise dont il faisait preuve sur le plateau. Finalement, nous avons fait l'amour pour la première fois dans le cercueil de Dracula. Sacrilège qui ne nous a pas porté chance. La mécanique de notre perte se mettait en marche : au même moment, Anton La Vey posait la pierre angulaire de son Eglise de Satan, dont Charles Manson fut un fidèle avant de créer sa propre communauté obscure qu'il baptisa de La Famille. Cette démarche peut paraître singulière mais elle est passée totalement inaperçue aux Etats-Unis où la religion est toujours « l'opium » du peuple. Dans les années soixante, un nouveau credo social est né : Dieu, sexe et drogues s'est substitué à la Sainte Trinité articulée autour du foyer, de la famille, du pays. On peut désormais trouver de tout dans le supermarché de la foi : des disciples de Moon, des elohims Raëliens, des membres de la Soka Gakkai, des adeptes du vaudou, de vieux rabbi kabbalistes, ou de cathares... Dans ce contexte, les satanistes pouvaient trouver sans problème leur clientèle parmi tous les désaxés en quête d'un guide spirituel. Anton La Vey est un étrange personnage qui nous est devenu familier lors du tournage de « Rosemary's baby », réalisé l'année qui a suivi « Le Bal des vampires ».


    Un innocent aux mains sales, pour avoir inoculé dans des âmes vulnérables le germe du mal. Son passé d'ancien dompteur lui donnait sans doute des prédispositions dans l'art de fasciner et manipuler même les plus grands fauves. Son Eglise comprenait notamment Franck Sinatra et Sammy Davis Junior. Quand on constate que de telles personnalités, à qui rien ne manquait, ont été conquises par un tel individu, on comprend mieux l'emprise qu'il a pu exercer sur des coeurs esseulés et déséquilibrés, comme ce fut le cas pour Charles Manson. Anton La Vey fut aidé dans son entreprise par Ron Hubbard, qui fonda à son tour l'Eglise de Scientologie. Ils mirent ensemble au point bien des techniques d'asservissement de l'individu : l'usage des drogues (LSD principalement), l'hypnose, la dianétique (techniques d'affaiblissement organique), une doxa paradoxale (exploitation de l'Apocalypse de Saint Jean). Anton La Vey fut davantage un artiste cherchant à séduire de façon morbide son public. L'Eglise de Satan ne connaîtra pas en effet le succès remporté par Ron Hubbard, qui a fait de l'Eglise de Scientologie une véritable multinationale. La réputation sulfureuse d'Anton lui a suffi pour pénétrer le monde hollywoodien, toujours en quête de sensations fortes. Ayant appris qu'il procédait à des messes noires dans son appartement new-yorkais, Roman l'employa comme conseiller technique sur « Rosemary's baby », où une femme est mise enceinte par le Diable et porte son enfant à son insu. C'est en me rendant sur les studios de tournage que je fis la connaissance d'Anton La Vey. Il a en effet tenu le rôle succinct mais important de Lucifer dans la scène au cours de laquelle il est procédé à l'accouplement de Rosemary avec le Prince des Ténèbres. Il ne s'agit pas vraiment d'un rôle de composition, dans la mesure où à plusieurs reprises par le passé il avait pratiqué en compagnie de Ron Hubbard des rites salaces en vue de faire naître un « enfant de la lune » susceptible de devenir l'Antéchrist. Anton fit remarquer à Roman avec son humour cynique et malsain : « Quel dommage que vous ne m'ayez pas présenté votre épouse plus tôt. Elle aurait fait une bien meilleure candidate. Satan a toujours été très sensible aux formes généreuses des femmes. ». Roman rit beaucoup à la suggestion d'Anton La Vey tandis que Mia Farrow qui jouait le personnage de Rosemary prit très mal cette remarque. Egocentrique par nature et tourmentée par le rôle, Mia Farrow, émaciée et amaigrie par un traitement de choc à base laxatifs répliqua : « Je ne suis pas d'accord. Vraiment pas. Le personnage doit être la virginité incarnée exempt de toute pourriture. Entièrement pure. C'est en souillant cette pureté que Lucifer peut engendrer. ».
    Ce fut à l'occasion de la fête de fin de tournage de « Rosemary's baby » que nous avons fait la connaissance de Charles Manson grâce à l'entremise d'Anton la Vey. Par dérision, la party eut lieu à l'Eglise Presbytérienne de Bel Air, louée pour l'occasion. Le pasteur ferma les yeux sur les excentricités grâce à la généreuse contribution qu'il reçut pour ses bonnes ½uvres. Charles Manson à cette occasion fut introduit dans le petit cercle d'Hollywood en devenant un pourvoyeur régulier de drogue. Manson rencontra Anton La Vey à sa sortie de prison en 1966, qui reconnut en lui une excellente recrue pour son entreprise, sans imaginer les conséquences pathétiques de son adhésion. Charles Manson apprit suffisamment auprès d'Anton La Vey pour manipuler les membres de sa secte dans l'intention de réaliser ses crimes par procuration.Initialement, l'ambition de Charles Manson était de devenir une star du rock.

    Anton La Vey l'encouragea dans cette voie car elle n'était pas incompatible avec un engagement religieux. En raison de l'attrait qu'exerce le chanteur après de la jeunesse, c'est une voie habile pour pervertir des esprits malléables en introduisant des messages subliminaux dans le texte des chansons. Dans le mot singer, les apôtres de Satan détachent en effet la syllabe sin qui signifie « pêché » Le chanteur est alors le prédicateur qui apporte la « bonne nouvelle », soit le triomphe du Mal. Charles Manson a cherché à être reconnu par le métier. Son premier contact : Dennis Wilson, batteur des Beach boys. Profitant de son absence pour un enregistrement, toute la petite tribu de Charles Manson s'installa à son domicile et en profita pour épuiser son compte en banque. Quand Dennis Wilson réalisa la situation, il ne s'en offusqua pas et sympathisa même avec Manson. Il appréciait la spontanéité de sa musique sans lui reconnaître pour autant de valeur artistique. Plein de bonne volonté, Wilson lui permet d'enregistrer des bandes, mais qu'il n'a pas conservées car elles contenaient selon lui des « vibrations qui n'étaient pas de ce monde ». Pourtant, le groupe des Beach Boys adapta des chansons de Manson pour les inclure dans l'un de leurs albums. Cette concorde cessa très rapidement puisque Wilson demanda à son agent de virer Manson et son clan de chez lui. Ce dernier le prit très mal et menaça gentiment Wilson : « Ne t'étonnes pas si tu ne revois pas ton fils. ».
    Cet échec ne découragea pas Manson, qui voulait comme producteur Terry Melcher. Après des sollicitations qui tournaient à l'harcèlement, celui-ci accepta de rencontrer Manson mais il n'alla jamais plus loin. En conséquence de quoi Manson parvint à s'entretenir avec Rudi Altorbelli, qui était propriétaire de la villa louée par Terry Melcher. Mais la conversation tourna court... Mon sort était lié à cette maison, située à Cielo Drive, dont nous deviendrons locataires au départ de Rudi Altorabelli, symbole de la réussite à laquelle Charles Manson aspirait, à l'image d'un Eden inaccessible dont il fut chassé avant même d'y rester.Rejeté de partout, Charles Manson s'enferma de plus en plus avec sa communauté dans la paranoïa.

    Réunis dans un ranch, ils spéculèrent sur la peur engendrée par les mouvements de libération des noirs dont le courant des Black Panters était le plus violent. Le moment fatidique était arrivé tel que nous le révèle l'Apocalypse selon Saint Jean, croyait Manson : « Le peuple des proscrits afro-américains se soulève dans le but de mener une Révolution contre le Pouvoir légitime blanc. Croyez moi, je vous le dis, ils nous tuerons les uns après les autres. » annonça-t-il sous le ton sentencieux d'un oracle devant un parterre de naïfs. Il s'arrogea le rôle du prophète qui annonce le danger dans le but de protéger ses frères : « Ecoutez-moi, notre seul salut reste la survie en trouvant refuge dans un souterrain dans la Vallée de la Mort où nous aurons le devoir de concevoir une descendance de 140 000 personnes pour revenir à la surface de le Terre et reconquérir le Pouvoir. » Messianique, il se voulut porteur d'espérance : « Un ordre nouveau doit succéder au monde ancien dont seuls les plus forts seront les maîtres. Nous appartenons à cette nouvelle race, je vous le dis, mais ce passage sera marqué par le chaos, une série de violences sans précédent telle que l'Humanité n'a jamais connue. » Par des crimes, qui auraient pu être imputés aux noirs en raison de la trace laissée, sur les lieux de l'agression, de slogans attribués aux Black Panters, il espérait déclencher une guerre civile entre les noirs et les blancs. Il n'en fut rien heureusement mais tous les éléments furent réunis pour faire de ces esprits excités des moines soldats fanatiques prêts à se lancer dans cette croisade sanglante. Le compte à rebours de ma mort était dès lors enclenché.

    Le signal eut lieu à la sortie du « White Album » des Beatles qui s'inscrit dans l'esprit du rock qui flirtait avec le satanisme. Manson les reconnut et les désigna comme les quatre Chevaliers de l'Apocalypse qui l'appelaient à procéder à ces meurtres rituels dans le but déclencher ce fameux conflit interracial. L'excitation était à son comble. L'assistance psalmodiait des incantations sataniques avec le disque des Beatles qui tournait en boucle.

    Certains titres revenaient plus que d'autres comme « Helker Skelter » qui annonce le Grand Chambardement où la société s'effondrerait dans une orgie de violence, « Piggies » qui tourne en dérision la police, ou « Révolution 9 » qui se réfère au Chapitre 9 de l'Apocalypse de Saint Jean. « Happiness is a warm gun » exerce enfin une fascination hypnotique en raison de son rythme lent et terrifiant. On y parle de sexe, de flingue, de drogue. Tel un ch½ur de barges, La Famille reprit les paroles sous la forme d'un cantique menaçant : « Bang, Bang, Shoot, Shoot.»


    Sous ces grandes orgues, la cérémonie pouvait commencer sans que rien ne vînt contrarier son implacable déroulement. La meute choisit d'abord de se faire la main avec Gary Hinman, politique de son état et grosse fortune à avoir. La question de l'argent n'est pas en effet un élément accessoire quand il s'agit d'entretenir une petite communauté pour laquelle on prévoit de vastes projets immobiliers. Or, à Gary Hinman, il lui restait beaucoup d'argent même s'il avait été un généreux donateur à la campagne Nixon ce qui lui permit d'ailleurs d'assister le 20 janvier 1969 à la cérémonie d'investiture du Président Nixon. Malgré sa réputation d'être un puritain, chacun sait dans le petit cercle d'Hollywood et de la politique qu'en privé ses convictions étaient beaucoup moins inébranlables qu'il voulait bien le dire.Charles Manson envoya au front un de ses meilleurs éléments, Lynette Fromme, qui avait fait preuve de ses talents corrupteurs en séduisant le propriétaire du Ranch que La Famille avait investi sans le consentement de ce dernier. Le rencontrant à l'une des réunions du parti républicain, Lynette se présenta comme journaliste. Elle lui prétendit qu'elle souhaitait faire un portait « impressionniste » de sa personne. « Ce n'est pas le politique, ni le stratège mais l'homme qui m'intéresse. J'ai besoin de connaître votre environnement privé. Peut-on envisager un entretien à votre domicile ? ». Gary Hinmann accepta avec enthousiasme d'autant plus que, malgré ses tentatives d'avoir l'investiture du parti pour le poste de gouverneur, les responsables ne lui reconnurent qu'un seul mérite, celui d'être le donateur privilégié de toutes les campagnes électorales. Cette femme, au sourire équivoque, était l'occasion d'une revanche pour renverser le cours de l'Histoire derrière lequel il avait toujours couru mais qui finira par le rattraper à son corps défendant.Le 27 juillet 1969, il était convenu d'un rendez-vous à sa villa à Beverley Hills en fin d'après midi. Lynette Fromme arriva, vers 18 heures, accompagnée d'un jeune homme blond, plutôt grand et flegmatique. Bobby Beausoleil conduisait la voiture. Elle le présenta comme ami et chauffeur le cas échant. Gary Hinmann semblait enchanté de cette présence imprévue. Très vite l'entretien terminé, la conversation dériva sur des révélations beaucoup plus intimes. Elle lui apprît que Bobby était son amant et qu'ils avaient une conception très libre de leur vie de couple. « Ah oui » répondit incrédule Gary Hinmann qui avança tremblant sa main tachetée sur les jambes offertes de Lynette Fromme. « Oui on partage tout. » parla pour la première fois Bobby de sa voix cassée en passant par derrière Gary Hinmann sa main sous la chemise de celui-ci. Gary ne sembla pas surpris par l'audace de ce jeune homme au regard morne et se retourna suffoquant de désir pour embrasser Bobby. Il n'y parvint pas. La main de Bobby se dégagea tandis que son avant bras remonta jusqu'au cou de Gary pour l'enserrer. Celui-ci essaya de se dégager mais Bobby accentua la pression exercée. Gary n'eut d'autre recours que d'adresser un regard paniqué et implorant à l'attention de Lynette Fromme. Celle-ci signifia à son compagnon de desserrer son emprise. Gary reprit son souffle et dit d'une voix étranglée : « Que voulez-vous ? ». Bobby, se rapprochant de son visage contracté, lui souffla avec un ton plein de douceur qui ne lui présageait rien de bon : « Ton fric ! ». Gary Hinmann indiqua un tiroir de la commode dans lequel se trouvait trois cent dollars : « C'est tout ce que j'ai ...». Malgré son calme apparent, Lynette n'était pas moins claire dans ses intentions: « Je crois que tu n'as pas compris. On veut TOUT ton fric. Tu vas nous faire un testament à notre avantage. » . Est-ce l'incongruité de la proposition qui lui fit retrouver sa vigueur : « Quoi ? Vous plaisantez ? Allez vous faire foutre ! » . Lynette et Bobby recommencèrent leurs menaces à l'encontre de Gary qui finit par s'évanouir lorsque Bobby l'a serré un peu trop fort. Lynette Fromme en profita alors pour appeler Charles Manson dans le but de connaître les instructions à suivre. D'après celui-ci, il fallait passer un cran au-dessus : « Il faut bien qu'il crache tout son fric. ». Obtempérant, Bobby sortit un couteau du sac de Lynette et trancha l'oreille droite de ce pauvre Gary. Ce dernier se redressa et mis automatiquement sa main vers sa blessure. Quant il vit sa main de droite couverte de sang, il se mit à hurler. Devant l'impassibilité de ses tortionnaires, très vite la colère prit le dessus sur la peur et lui donnait la force d'exprimer tout son mépris vis-à-vis des missi dominici de Charles Manson : « Bande de connards. Vous ne verrez pas la couleur du moindre de mes dollars. Allez en baiser d'autres. ». Après avoir eu la bénédiction de Charles Manson, Bobby se précipita et poignarda une première fois Gary. Tout en enfonçant la lame, Bobby susurra à l'oreille gauche Gary qui le regarda avec résignation : « Il n'y a aucune raison que tu vives. Tu es un enfoiré et la société n'a pas besoin de toi, donc le mieux que tu puisses faire, c'est de disparaître et de me remercier de te sortir de toute cette merde. ». Bobby acheva Gary en lui assénant deux autres coups de couteau, l'un à l'aorte et l'autre à l'aine. Cet homme pissait du sang de partout. Bobby se servit de ce sang répandu pour inscrire sur les murs « political piggy ». La générale ne s'étant pas trop mal passée, il était temps de passer à la première dont je fus l'interprète principale. La perspective d'une condamnation satanique devenait de plus en plus tangible depuis la sortie sur les écrans de « Rosemary's baby ». Roman avait reçu des lettres anonymes me menaçant personnellement. Déjà, certains avaient reproché ma participation dans « Eye of the devil » qui montrait des sacrifices humains commis au cours de cérémonies de sorcellerie. « Rosemary's baby » est en revanche la pièce fondamentale de l'acte d'accusation qui scella ma condamnation à mort. En effet, il est reproché à Roman d'avoir décrit dans « Rosemary's baby » avec trop de vraisemblance les rites pratiqués dans les sectes sataniques. Cependant Roman n'a jamais eu l'intention de faire un documentaire. S'il a souhaité être au plus proche de la réalité des usages pratiqués, Roman voulait mettre le résultat de ses recherches au service de la fiction. Cependant, pour les fidèles de toutes ces sectes, Roman a commis l'irréparable avec la révélation de leurs règles et fondements qui doivent rester secrets aux profanes. Au-delà du caractère iconoclaste de sa démarche, je crois surtout qu'il a été reproché à Roman d'avoir tourné en dérision cette hystérie « magico diabolique ». La fin qui m'était préparée correspondait à la volonté dérisoire de restaurer une crédibilité à ces mouvements sectaires en inspirant la crainte. Le résultat fut le contraire de celui attendu. L'opinion publique, exaspérée, a souhaité une législation plus sévère vis-à-vis de ces derniers.

     J'ai été assassinée entre la nuit du 8 et 9 août 1969. Curieusement, je ne conserve que des souvenirs vagues et épars de la journée qui a précédé le meurtre. Je crois avoir eu au téléphone Roman qui m'apprit que son scénario n'avançait pas beaucoup car il était préoccupé de me laisser seule ici. J'ai dû probablement chercher à le rassurer comme d'habitude. Prémonition ? Je l'ignore mais ses appréhensions ont été confirmées par le spectacle horrible laissé par les furies de Charles Manson : Susan Atkins, Mary Briner et de nouveau la talentueuse Lynette Fromme qui connaissaient ce soir la consécration. Il devait être entre vingt-deux heures trente et vingt trois heures. Je ne portais plus de montre depuis mes débuts à Cinecittà. J'étais sur la terrasse de ma villa laissant à l'intérieur mes invités : mon agent Adam Foiger et son petit ami du moment David Fritoksky, un jeune espoir prêt à tout comme beaucoup d'autres, et enfin mon coiffeur Jay Sebring. Ils étaient particulièrement excités quand je les ai laissés sous l'emprise du MDA, drogue en vogue à Hollywood qui provoque des effets de dissociation. En raison de ma grossesse, j'avais arrêté ce genre d'excès. Je me suis juste accordé quelques verres de Beringer dont la production ne se trouve pas très loin à Santa Helena. Accoudée à la balustrade, j'embrassais du regard la vue d'en face. Le quartier de Beverley Hill se dressait symétriquement à celui de Bel Air où nous logions depuis six mois environ. Le quartier devenait victime de son succès, arrivant à saturation, si bien que certains lui reprochaient sa population parvenue. Cependant, ce soir j'étais touchée par toutes ces lumières qui enveloppaient toutes ces maisons d'un halo mystérieux. J'éprouvais un enchantement tel qu'un enfant peut le ressentir à la vue des lumières de Noël. J'étais convaincue de n'avoir jamais été aussi heureuse. Même en l'absence de Roman, j'avais un sentiment de plénitude lié à la réalisation de toutes mes aspirations. Je suis reconnaissante au destin de m'avoir accordé ce répit, ce moment de lucidité avant la curée.

    Lorsque je me suis retournée pour revenir dans le salon, le parfum tubéreux des gardénias blancs a sans doute attiré mon attention sur le jardin. Trois figures immobiles se tenaient près des bancs de gardénias. Mon esprit bercé par cette douce euphorie et la rapidité du coup d'½il jeté ne m'ont pas permis d'abord de retenir leurs silhouettes. Cependant l'association de l'odeur entêtante de ces fleurs et de la vision de ces apparitions blanches a ramené de nouveau mon regard, comme un travelling arrière, sur les pare terres de gardénias où se tenaient dans une rectitude presque extraordinaire les envoyées de Charles Manson. Revêtues de longues tuniques immaculées aux longues manches bouffantes qui dissimulaient leurs mains croisées, elles me fixaient mais leur regard allait au-delà du simple champ visuel pour retenir un horizon incertain. Leur apparition mystérieuse dans un souffle silencieux comme un couteau sorti du fourreau, leur présence phosphorescente sous l'éclat de la pleine lune ne m'a pas effrayée. Comme échappées d'un conte, elles me rappelaient les personnages à la fois hiératiques et poétiques du film des « Visiteurs du soir » qui fut diffusé dans le cadre d'une rétrospective consacrée à Marcel Carné à la Cinémathèque de Los Angeles. Après une contemplation de cette scène surréaliste, je les saluai dans un esprit d'accueil et d'ouverture. Elles ne réagirent pas, toutes absorbées à leur méditation. A une deuxième reprise, je les interpellai : « Je peux vous aider. Vous cherchez quelque chose ? ». Lynette se détacha du groupe et répondit de cette voix douce et enjôleuse : « Vous rencontrer. » Je les invita et leur proposa de me suivre. Ce soir- là, j'avais le sentiment d'avoir acquis un tel épanouissement que j'avais envie de faire partager avec le monde entier. Erreur funeste : le bonheur est à l'image de la propriété privée dont on doit priver l'accès à des étrangers. Elles me rejoignaient en se suivant selon une procession rigoureuse. Quand on s'est retrouvé au milieu de la salle de séjour, je voulus faire les présentations : « Mes amis, je voudrais vous faire connaître ces jeunes apparitions de mon jardin. Je les ai cueillies prés de mes gardénias. Au fait, j'ignore comment vous vous appelez. ». Les filles de Manson demeuraient silencieuses, alignées dans la largeur du salon, en face du canapé dans lequel se trouvait dans les bras de l'un et de l'autre ce petit couple d'amoureux que furent Adam Folger et David Fritkowski. « Mais, ma chérie, comment veux-tu que ces belles plantes te répondent. Ca prend le soleil mais ça ne parle pas. » me dit Adam avec son débit rapide et avec son ton mondain inimitable. « Mais ça suce peut-être ? » demanda sous un faux air candide Fritkowski à son amant. Les jeunes filles sont restées indifférentes devant l'humour déplacé de mes invités. Je m'excusai en leur nom en cherchant des circonstances atténuantes : « Ne faites pas attention. Ils ne savent pas ce qu'ils disent. Asseyez-vous. Faites connaissance pendant que je vais chercher à boire. ». Je ne les ai pas vu tirer. Dès que j'ai eu le dos tourné, deux d'entres elles, Susan Atkins et Mary Briner, sortirent, sous leur chasuble, un pistolet 357 magnum, d'un geste aussi souple et rapide que feutré. Leurs premières victimes n'eurent d'ailleurs pas le temps de saisir que la fête prenait alors un sale tour. J'ai crié. Les deux tirs brefs et secs ont interrompu brutalement le calme langoureux de cette nuit du mois d'août. Je me suis retournée. J'ai vu. J'ai vu ce qui m'attendait : la brutalité du crime, le regard révulsé des morts et l'acharnement par ces malades sur les cadavres.

    J'avançais pendant que le cercle des tueuses s'écartait pour que je pusse profiter de cette scène. Cette irruption si soudaine de l'horreur me fit douter de la réalité de ce que j'avais vécue. J'étais convaincue de m'être trompée. Ces tirs étaient à blanc. On m'avait fait une plaisanterie. Ces deux imbéciles vont se relever et éclater de rire en me montrant du doigt mais d'aucun d'entre eux je n'ai entendu le rire de nouveau. Sous le feu des armes, les deux amants avaient été projetés aux bouts opposés du canapé. Adam était à demi retourné la tête reposant sur l'accoudoir. Il était inerte et semblait indemne. Pour m'en assurer je me rapprochais à pas lents, du côté gauche du canapé, de peur de ce que j'allais découvrir. J'avais raison d'exprimer des craintes. Je pense qu'Adam est mort immédiatement. Une tache de sang, partant du haut de l'accoudoir jusqu'en bas du canapé, grossissait subrepticement et se répandait telle une anémone écarlate. Ils n'ont pas eu la chance d'être morts en même temps. David Fritkowski était blessé à l'aine. Il était replié sur lui, contractant sa blessure. Il gémissait et appelait sa mère en vain comme lorsque, enfant, en plein cauchemar, il réclamait sa mère qui ne le rejoignait jamais, écrasée par l'alcool et le remords d'une vie qu'elle n'avait pas choisie. Malgré ses prières, sa mère encore une fois n'est pas venue mais en revanche la mort se pencha à son chevet en la personne de Mary Briner. Je crois que, dans un état presque d'inconscience, il l'a appelé « maman ». En s'inclinant comme si elle eut cherché à le prendre dans ses bras, elle le souleva par la nuque. Munie d'un long couteau de cuisine à sa main droite, elle lui trancha alors la gorge d'un geste appliqué. Le sang n'arriva pas immédiatement et sembla se cristalliser sur la frontière tracée le long du cou mais, quelques secondes après, un déversement ininterrompu de son sang s'échappait de lui, le vidant littéralement. Je revois son visage si mince contracté par la douleur et par la peur de mourir. L'effarement dans ces yeux puis la perte de cette étincelle qu'on appelle la vie. Dix-neuf ans. Mourir à dix-neuf ans sans avoir rien connu, ni retenu de beau, de vrai dans l'existence ; tel était le destin de ce jeune homme qui avait rêvé de venir à Los Angeles pour avoir une vie meilleure.

    Je ne vis pas vraiment ce qui lui advint avec netteté car Mary Briner fut rejointe par sa complice Susan Atkins qui se chargea du sort d'Adam en le poignardant à plusieurs reprises. A cette attention, elle le retourna et je remarquai son crâne explosé vers la tempe droite. On aurait pu y passer un doigt. Je n'en pouvais plus. C'était trop. J'avais envie de vomir avec cette odeur fétide de sang qui remontait et qui ne vous quittait plus. Je reculais donc en essayant de me retenir à n'importe quoi sans pouvoir perdre de vue cette mise à mort en règle. Cependant, je n'ai pu continuer à soutenir la vision d'une telle horreur quand Mary Briner se retourna vers moi éclaboussée de sang jusqu'au visage. Je poussai un cri de terreur et reculai paniquée. Heurtant une chaise, je manquai de peu de tomber. En retrouvant un équilibre, je croisai le regard de Lynette Fromme et cherchai une explication auprès d'elle car elle m'apparaissait moins folle que les deux autres : « Mais que faites-vous ? Qui êtes-vous ? ». Lynette me dit d'un ton si calme qu'il devenait presque inquiétant : « Ne vous faites pas de souci. Ce sera bientôt votre tour. » Cette menace n'était pas que dans les mots et avait une réalité tangible avec le revolver qu'elle pointait contre moi. Je regardais une issue pour m'enfuir mais j'avais perdu tous mes moyens à cause de la terreur engendrée par ces prédatrices. J'ai essayé de les amadouer en leur proposant de l'argent. Rien n'y fit. Lynette continuait à avancer sur moi. Désespérée, voulant sauver ma peau, je hurlai : « Putain mais que voulez-vous ? » Lynette assena une réponse définitive et lapidaire : « Ta mort. » L'exécution eut lieu aussitôt après le prononcé de la sanction capitale. Lynette me tira à bout portant avec l'un des deux 357 magnums. J'ai cru que j'étais morte. Ce moment fatidique est un condensé d'émotions contradictoires : la peur de mourir, la peine de quitter les siens, la colère devant l'injustice, le désir que ça passe le plus rapidement possible. J'ouvrais les yeux. J'étais encore vivante. Une douleur irradiait toute l'épaule qui fut touchée par la première balle. C'est un signe. Un sursis ? Je ne sais pas mais en tout cas une chance en plus, la dernière à saisir. Arrivée à l'autre bout de la pièce, je ne pouvais plus reculer. Lynette Fromme se tenait en face de moi impassible. J'étais debout, dos contre le grand miroir et je me mis à genoux pour émouvoir mon bourreau : « Je vous en prie. J'attends un enfant. Dans quelques semaines, j'aurais accouché. Laissez-moi vivre jusque là. Après vous pourrez faire ce que vous voulez de moi. Je me laisserai faire. » Lynette répondit de façon atonale et détachée : « Ce n'est pas très sérieux ce vous dites là ! » A cet instant, je tournai par réflexe la tête sur ma droite et je remarquai Jay Sebring qui restait fasciné devant son image démultipliée sous l'effet de la drogue. Sans quitter des yeux le miroir, il s'aperçut de ma présence : « Tu en fais une drôle de tête, dis-moi ? Tu as vu un mort ou quoi ? » Etait-il possible qu'il eût rien entendu, ni remarqué quoique ce soit ? En tout cas, il ne connut jamais la raison de son décès, ni eut conscience du moment de sa disparition. Elle fut brutale. Mary Briner en effet lui asséna un coup violent de tisonnier qui lui fit perdre définitivement connaissance. Cela n'a pas suffi à cette dernière qui s'acharna à plusieurs reprises à le frapper au moyen de ce tisonnier jusqu'à faire perdre au visage de Jay Sebring toute expression humaine. Ce n'était plus qu'un agglomérat de chaires humaines ensanglantées qui retirait à ce cadavre toute trace d'humanité.

    J'ai cru devenir folle. Je fis une crise de nerfs alternant les hurlements et les larmes. A ce moment, Lynette s'accroupit et caressa mon visage pour en assécher les larmes et me susurra « Pauvre. Pauvre petite fille. Tu as peur. C'est normal. Mais tu ne dois pas avoir peur. Ferme. Ferme les yeux. » Je m'exécutai mais quelques secondes après je les ouvrai de nouveau sous la douleur qui me transperça le ventre. Je vois Lynette, avec son éternel et vague sourire, me regardant pendant qu'elle enfonçait son poignard dans mon sternum dans un mouvement circulaire et concentrique. J'ai d'abord ressenti cette déchirure comme une douleur aigue qui se diffusait, tel un courant électrique, dans toutes les parties du corps. Le mal fut tel qu'à son paroxysme il devint l'objet d'un plaisir insaisissable et pervers. La souffrance reprit une vigueur toute nouvelle quand elle retira sa lame. J'ai cru qu'elle emportait mon souffle avec elle. Ce n'est qu'au troisième coup asséné vers les reins que je me sentis décliner, à m'apercevoir d'une désagrégation de la conscience. La douleur si prégnante se dissipa petit à petit. La mort s'en chargea de la faire disparaître comme la caresse d'une mère. Reconnaissante, je lui rendis, comme dû, les quelques forces de vie qui me restèrent encore vacillantes. Un dernier souffle et je connus une aspiration vers une essence plus spirituelle, plus volatile. Je regardais avec détachement, en surplombant la pièce, ce qu'il était devenu de mon corps comme s'il n'eut été plus le mien. Cependant, les traitements barbares infligés à mon corps me rappelèrent la dignité à laquelle j'avais droit. Les servantes de Charles Manson ne m'ont en effet rien épargné : un c½ur poignardé, un sein sanctionné, un ventre lacéré.

    Mon assassinat n'a pas malheureusement été le dernier. Ma mort a concouru à l'élévation de l'obscure Charles Manson au rang de mythe. Mais nous n'en sommes pas encore là. Charles Manson poursuit son opération d'intoxication de l'opinion publique en faisant croire que tous ces crimes, plus atroces les uns que les autres, étaient imputables aux noirs en général, et aux Black Panters en particulier.

    Le dernier crime commis par les séides de Charles Manson fut perpétré durant la nuit du 9 au 10 août 1969. Le dimanche 10 août, les enfants de Labianca découvrirent le matin leurs parents sauvagement assassinés.


    Le père , avec une taie d'oreiller ensanglantée recouvrant son visage et avec ses deux mains liés dans le dos par une lanière de cuir , a reçu 12 coups de couteau et 14 incisions sur son estomac par une fourchette. Sur son ventre, il était inscrit « war 3 ». La mère de famille reposait dans une immense flaque de sang avec une taie d'oreiller et un fil électrique autour du cou.

    Elle avait fait l'objet d'un acharnement particulier puisque le médecin légiste ne releva pas moins de 41 blessures par arme blanche. Des slogans écrits sur les murs à partir du sang des victimes constituaient des faux et usage de faux destinés à tromper les destinataires de ces messages tels que « death to pigs » (mort aux flics) ou « rise » (levez-vous) qui habituellement furent ceux employés par les Black Panters. Ce couple ne fut pas choisi par hasard car l'épouse s'appelait Rosemary à l'instar de l'héroïne du film de Roman. Sans doute la dimension symbolique n'est pas innocente dans ce crime.


    Ce couple fut les dernières victimes attribuées à Charles Manson et à La Famille. En effet, Bobby Beausoleil fut arrêté le 6 août sur le fondement de ses empreintes laissées sur les lieux de leur premier crime chez Gary Inman. En détention, très rapidement en manque de sa dose de LSD, Bobby se mit à faire des révélations, de plus en plus prolifiques par les détails qu'elles inclurent mais aussi de plus en plus absconses par les invraisemblances qu'elles comprirent. Cependant, au fur à mesure des crimes commis et par un recoupement des informations recueillies auprès de Bobby, la police fit le lien entre tous les assassinats et La Famille en soulignant l'influence déterminante de Charles Manson sans laquelle tous ces meurtres n'auraient jamais eu lieu. Sa croisade s'interrompit lorsque la police a investi le ranch, siège de la Famille, et a arrêté les principaux membres de la communauté dont Charles Manson en tête. Sa mise hors d'état d'agir n'a pas pour autant réduit sa capacité de nuisance.

     Son arrestation ainsi que son jugement en 1971 ont fortement marqué les esprits. Ce sont les médias qui vont faire sa renommée. Au cours du procès, il s'empara en effet de la salle du Tribunal comme celle d'un théâtre où il a pu déployer tous ses talents de manipulation, d'hypnose et d'argumentation. La presse a accentué sa dimension charismatique en grossissant les traits de cet homme qui n'était au départ qu'un marginal.

    Dans notre société d'épuisement du désir, si le crime est devenu le divertissement royal, Charles Manson s'est trouvé anobli par ces actes qui excédèrent en cruauté et en perversion tout ce qu'on peut imaginer. Par notre incapacité à nous projeter dans une épopée collective, nous nous complaisons de ces faits divers qui rassurent en chacun de nous la relativité de nos aptitudes à faire le mal. Tout est question de proportion. L'information en général et la presse en particulier a créé une légende autour de ce personnage qui dès lors a cessé d'exister pour devenir l'icône du mal. Dans les mois qui suivirent les événements, une psychose collective s'empara Hollywood dont il est devenu un familier en qualité de fournisseur de drogues. Beaucoup se crurent la prochaine victime de Charles Manson par ses tueurs interposés. On lui prêtait le don de télépathie qui aurait pu amener les membres dispersés de sa communauté à tuer de nouveau. Mia Farrow fut sans doute la plus terrorisée à cette époque. Plusieurs raisons l'expliquèrent. D'abord, elle fut l'interprète principale de « Rosemary's baby ». De surcroît, la dernière victime du clan de Charles Manson s'appela Rosemary. Enfin, la chanson « Dear Prudence », tirée du White Album des Beatles, qui fut le disque culte de Charles Manson, était dédiée à sa s½ur, Prudence Farrow qui accompagna le groupe lors d'un voyage aux Indes. Sa terreur l'empêchait de poursuivre sa carrière sereinement si bien qu', au moment du procès de Charles Manson et de ses complices en 1971, elle préféra s'exiler pour jouer dans le film de Claude Chabrol « Docteur Popaul ». Les excellentes conditions du tournage ont permis à Mia Farrow de retrouver goût à la vie comme l'attesta ce célèbre réalisateur français : « Elle était un peu zinzin, prête à tout et très agréable. C'est tout juste si elle ne me faisait pas la cour.» Chez Claude Chabrol, cela deviendra d'ailleurs une habitude de recueillir les comédiennes américaines ébranlées par la violence qu'elles ont pu susciter. Ainsi Jodie Foster a joué dans le « Sang des autres » quelques mois après la tentative d'assassinat à l'encontre du président Reagan commis par un déséquilibré qui avait dédié son acte manqué à cette dernière.

    Si la psychose s'est dissipée au fur et à mesure des années et à la suite de la condamnation à vie de Charles Manson, en revanche une fascination morbide s'est maintenue et accentuée autour de lui. De nouveau, ce fut un admirateur fanatique de Charles Manson qui tua au pied de son immeuble John Lennon en 1980. David Chapman appartenait à une petite communauté, « Born again Christians », qui partageait avec Charles Manson la conviction profonde de l'imminence de l'Apocalypse. Une correspondance importante fut échangée entre eux deux. Quelle en fut la nature ? Sans doute un exemple de divagations d'illuminés. Cependant on peut trouver les raisons de cet acte. Ces raisons sont liées à ses rapports avec le satanisme. Rappelons que John Lennon fut un des principaux auteurs du White Album. Il avait acquis également l'appartement ,ayant appartenu à Anton la Vey, dans le célèbre Dakota building, lieu de l'action de « Rosemary's baby ». Toutes ces raisons furent suffisantes pour entretenir le mythe du Diable aux Etats-Unis. Ce meurtre est aujourd'hui le dernier qui est associé au nom de Charles Manson. Il faut espérer que ce cercle infernal soit définitivement clos. Il le sera définitivement à la mort de ce connard. Il vient d'avoir soixante-dix ans. Je suis morte, il y a trente cinq ans. J'aurais dû être heureuse. Ne l'oubliez pas quand vous aurez fini de lire ces lignes.

    Par Jack Olivier Laffay








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